La douceur de la soirée n’était que légèrement tempérée par une petite brise, rendant le trajet entre le jardin et le restaurant très agréable au goût d’Elisa. Elle suivait Suzanne, sans même vérifier si Charles les suivait car prise dans un de ces moments où ses pensées l’éloignaient de tout, laissant son amie légèrement en avant pour profiter plus pleinement de la nuit dont les étoiles éclairaient d’une lueur bienveillante la fête de Pâques qui battait à présent son plein. Le petit oiseau de la jeune femme, apparemment fatigué par ses prouesses aériennes dans le jardin, somnolait à présent sur l’épaule de sa maîtresse, la tête rentrée dans son aile. L’artiste eut un petit sourire en le voyant ainsi, et prit soin de marcher d’un pas régulier pour ne pas le déranger.
Le petit groupe passa non loin de la piste de danse, qui se trouvait toujours aussi engorgée de monde. Si peu de temps après la signature de l’armistice, les gens ressentaient une telle envie de vivre sans penser au lendemain que ce genre de choses était tout à fait banale, là où seuls les plus motivés seraient restés une dizaine d’années auparavant.
Elisa ne pouvait que les comprendre, elle-même sentait que cette fête était une nouvelle occasion de chasser tous ces démons qui hantaient encore la plupart des gens. Relevant un regard attendri vers toutes ces personnes, de tout âge et de toute condition sociale qui se mélangeaient au son des violons, elle ne put retenir un grand sourire en constatant que ce besoin de s’amuser effaçait toutes les différences pour ne plus laisser place qu’à la joie de la danse.
Perdue dans ses pensées, elle faillit heurter le dos de Suzanne quand celle-ci s’arrêta à l’entrée du restaurant et se retourna. Rattrapant son équilibre d’une manière fort comique, elle évita de justesse de tomber par terre à grand renfort de moulinets des bras, mais ne put éviter le réveil et le cri courroucé de son oiseau.
« Oups ! Désolée … » lâcha Elisa tant à l’adresse de Suzanne que du volatile qui, boudeur, s’était envolé pour se poser sur un perchoir un peu plus stable que l’épaule de la jeune femme à quelque mètres de là.
Puis, à l’instar de son amie, elle se retourna pour vérifier si Charles avait suivi les deux jeunes femmes, légèrement honteuse de n’avoir pipé mot durant tout le trajet pour faire plus connaissance avec ce nouvel ami.